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Photo du rédacteurThomas Patris de Breuil

Sniper, buzzer : turbulences sur le rôle de « l’info »


« Ce que tu es parle si fort que je n’entends plus ce que tu dis ! ». Le dicton du 18ème siècle de l’essayiste Ralph Waldo Emerson est toujours d’actualité. Le traitement de l’actu est devenu un show permanent. Campagne présidentielle oblige, tous les candidats ressortent leurs plus beaux habits de communicant pour attirer l’œil des médias. Compliqué de se faire entendre dans ce brouhaha incessant, de la « menace au fusil » d’Eric Zemmour sur un journaliste au salon de la sécurité intérieure au « Karcher » de Valérie Pécresse en passant par Jean-Luc Mélenchon qui « n’aime pas la police ». Le show est continu mais le débat n’y est plus. Aucun domaine n’est épargné. Les médias sportifs peuvent en témoigner : Quel est le rôle des médias dans le traitement de l’actualité ? Doivent-ils susciter ou réveiller le débat d’idée ?


Radicalité et décalage


Le premier tour de la présidentielle est dans un peu plus de deux mois. Selon le dernier sondage Sopra Steria/France Inter du 1er février, les préoccupations principales des Français sont, dans cet ordre, le pouvoir d’achat, le système de santé puis l’environnement. Sujets qui dépassent les clivages politiques et les types d’électeurs. Le hiatus entre ce dont les candidats ont majoritairement parlé dans les médias depuis le début de cette campagne et les préoccupations des Français est flagrant, le décalage criant.


Rassurez Pascal Praud avant la crise d’épilepsie, il continuera à parler immigration et délinquance jusque dans sa tombe. Dans une stratégie politique comme médiatique, la nuance est souvent plus compliquée à faire entendre que l’avis tranché. Eric Ciotti avec son fameux « les migrants, c’est la prison puis l’avion » était d’une efficacité redoutable. La petite phrase qui fait mouche, ciselée, lapidaire, parfois vacharde, est la forme politique du slogan publicitaire. Elle fournit le titre de l’article, la citation sonore de vingt secondes dans un sujet de trois minutes au JT de 20 h. Évidemment, sa brièveté exclut l’argumentation, et davantage encore la nuance. Réduisant les opinions à leur plus simple expression, elle radicalise le débat.


50 nuances de snipers


Plusieurs médias sont des spécialistes en la matière. Dans le domaine footballistique, RMC avec son émission phare « L’after » en a même fait son fonds de commerce. Face à la langue de bois creuse et inaudible de nombreux acteurs du foot, le clash et le divertissement font partie intégrante de l’émission. Plusieurs rubriques de l’émission «Avis tranchés » incitent l’auditeur à se faire une opinion rapidement, à prendre parti, à choisir son camp. Le débat est plus vivace, les tacles à la gorge fréquents mais les chroniqueurs ont du mal à se faire entendre face au sniper Daniel Riolo. Pour être entendu, il faut se différencier tout en restant dans « son couloir ».


La polémique est à RMC ce que le sérieux est à C dans l’air. La bataille pour l’audience est terrible. Tous les coups sont permis. Éric Zemmour, par son trash talk permanent, est invité sur tous les plateaux Tv et radio. Près de 3,5 millions de téléspectateurs pour « Face à Baba » lors de sa première intervention, 1,2 million sur C dans l’air…


Partout où il passe, il casse les compteurs d’audimat. Pas étonnant que l’étude du 2 février du CRNS sur le « système Hanouna » ait démontré que les extrêmes étaient surreprésentés dans l’émission « TPMP » et plus particulièrement l’extrême droite.

« TPMP » est dans la droite lignée de l’émission « Droit de réponse » animée par Michel Polac dans les années 80. La mécanique est bien huilée. Les extrêmes trash-talk, sont invités chez Hanouna pour alimenter la polémique, il suffit pour le camp d’en face de remettre une pièce dans le Juke box pour feuilletonner le clash sur quelques jours. Assaisonnez le plat des séquences les plus « épicées » sur les réseaux sociaux et c’est tout l’écosystème médiatique qui s’emballe.


Sans faire un plaidoyer pour la nuance et la modération, la culture de l’invective et du show sans limite fracture la société en « archipels » pour citer Jérôme Fourquet. Réalité inquiétante car le TGV du show n’est pas près de dérailler. C’est finalement le rappeur Orelsan qui aura le dernier mot dans son dernier album « Plus personne n'écoute. Tout le monde s'exprime. Personne ne change d'avis. Que des débats stériles ».

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