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Photo du rédacteurThomas Patris de Breuil

Djokovic : le mythe et la fureur

Rares sont les personnages qui cristallisent autant les passions. De la détestation à l’idolâtrie, nos émotions se mélangent quand il est question de « Djoko ». Au-delà des chiffres tous plus fous les uns que les autres qui le caractérisent, il est devenu le joueur ultime. Tennistiquement infaillible et physiquement intouchable, il a progressé dans tous les domaines. Si "Nolé " a battu tous les records, c'est bien parce qu'il est devenu le plus complet de tous. Un talent au service de son ambition.


L’histoire


Imaginons un bambin issu d’une petite station de ski des Balkans initié au tennis par une enseignante lui faisant écouter de la musique classique avant qu’il ne continue sa formation sous le bruit des bombardements de l’OTAN en 1999 à Belgrade. Pris au piège, il décida de continuer à s’entraîner coûte que coûte. La graine de champion est déjà en marche… Et son sentiment de revanche aussi.


Sa revanche sur l’Occident


Comme nombre de jeunes Serbes de sa génération, il se sent le devoir de partir en croisade pour rattraper le profond sentiment d'injustice et d'horreur causé par la guerre.

Ce sentiment, il faut probablement l'avoir ressenti pour le comprendre. Partout, et notamment dans les pays occidentaux, les Serbes, victimes de l'image déplorable de Milosevic, sont considérés comme les principaux fautifs de la guerre. Ils se sentent perçus comme des barbares assoiffés de crime et de sang. « Nole » veut changer cela et rétablir l’image de son pays. Le facteur psychologique chez Djokovic est essentiel, la phrase exaspérante « jamais un match n’est perdu tant qu’il n’est pas fini » que répétait ton prof de tennis en surpoids en voulant citer approximativement Coubertin prend tout son sens chez lui.


Un mental hors norme


Le personnage est un homme en mission. Doigt pointé sur la tempe quand il réussit des grands coups pour montrer au monde que jamais, au grand dieu jamais, il ne baissera les armes. Combien de fois s’est-il mis dans des situations hasardeuses en perdant le ou les premiers sets d’un match pour finalement réussir à remporter le match ? Viscéralement attaché à la victoire, presque à n’importe quel prix, notamment se mettre le public à dos. Sans faire de psychologie de comptoirs, il est toujours resté dans l’ombre affective de Federer et Nadal auprès du grand public. Comprenant que cette tendance ne s’inverserait pas, il fait de l’hostilité du public à son égard une source de motivation inépuisable. Transcendé par cette relation compliquée, il force le trait de la filouterie, des pauses toilette interminable entre les sets, des plus ou moins fausses blessures en plein match pour décontenancer l’adversaire.


L’émulation


Au cours de sa carrière, Djokovic a tiré sa principale motivation de Nadal ainsi que de Federer. L'émulation a été le facteur déterminant qui a fait du Serbe le monstre de domination qu'il est devenu. Lui-même en convient : sans le Suisse et l'Espagnol, il n'aurait probablement pas atteint ce niveau. Et la réciproque est aussi vraie. Émulation qui l’a desservi dans son rapport au public. Malgré son immense palmarès, il n’a jamais été en odeur de sainteté. À l’applaudimètre, il sera toujours derrière ses grands rivaux suisses et espagnols. En manque d'affection, le Serbe a attendu l’US Open 2021 et une défaite épique en finale face à Daniil Medvedev pour recevoir une ovation digne de son statut.


L’épilogue de ce feuilleton lui revient quand il déclare à Wimbledon en 2023 : « Le public hostile me rend meilleur ». Pas commun mais après tout pourquoi pas.

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